- stopecocentrenante4
Comment cacher un gros projet?
Comment dissimuler un projet industriel de grande ampleur pendant dix ans? Cette question, la Samoa y a répondu avec brio, grâce à son projet d'écocentre sur l'île de Nantes.

Illustration tirée d'une plaquette de vente d'un promoteur
Alors que les premières études étaient lancées en 2013, les habitants ont acheté des logements avec vue sur un parc, beaucoup ont même participé à de nombreuses réunions de concertation sur l'avenir du quartier, animées par la Samoa, dans lesquelles jamais cette plateforme de traitement des terres polluées n'a été évoquée.
Pas de permis de construire, pas d'enquête d'impact
Alors que le projet occupera trois hectares pendant 12 ans, qu'il entraînera des nuisances sonores, des poussières et des pollutions potentiellement nocives pour la santé des habitants, la Samoa a réussi à se passer de permis de construire, d'arrêté municipal autorisant les travaux, et à contourner les obligations d'étude d'impact ou d'enquête publique habituellement adossées à ces installations industrielles.
Pour le permis de construire, rien de plus simple : comme les déchets seront traités en extérieur, il n'y aura pas de construction à proprement parler. L'entreprise Brézillon utilisera les bâtiments laissés par la SNCF pour ses besoins en salles de réunion, vestiaires, etc... Pour le reste, apparemment, la chape de béton et le bassin de rétention qui doit être creusé n'entrent pas dans la catégorie des éléments nécessitant un permis de construire.
Pour l'arrêté municipal, il n'y en a pas besoin car le terrain appartient à la Samoa, qui dispose depuis plus d'une décennie, d'une délégation de service public pour l'aménagement du quartier de l'île de Nantes.
Quant à l'étude d'impact, il suffisait de limiter la puissance des machines qui seront utilisées sur cette plateforme industrielle pour sortir de la catégorie la plus contraignante, celle qui aurait obligé la Samoa à lancer une enquête publique et une étude d'impact.

Le projet sur lequel la Samoa avait communiqué pendant 10 ans
Un projet similaire à Doulon
Dans le quartier Doulon, un projet plus ou moins similaire avait fait l'objet d'une enquête publique il y a une vingtaine d'année. Le projet devait jouxter l'actuelle déchetterie de la prairie de Mauve. Même scénario, mêmes arguments : "c'est temporaire, cela ne fera pas de bruit, l'exploitation ne se fera que la journée, il n'y aura pas de pollution ou elle sera maitrisée, cela ne provoquera pas un surplus important de trafic..." La réunion publique réalisée à la salle de la Colliniere avait tournée au fiasco.
Dernier petit "truc" utilisé par la Samoa : un protocole de bonne coopération signé en 2020, entre la Samoa, la ville de Nantes et l'Etat pour la gestion des déchets excavés sur l'Ile de Nantes. En page 6 de ce document, on découvre notamment que "les sites de stockage, temporaire ou définitif, des déblais ne seront pas qualifiés d'installation de stockage des déchets."
Donc, si les déchets ne quittent pas l'île de Nantes, ils ne sont pas considérés comme des déchets, et échappent donc à la législation les concernant.
Information tardive et parcellaire
Mi-avril, la Samoa a donc distribué une plaquette dans les boîtes aux lettres des habitants les plus proches pour les informer du début imminent des travaux, initialement prévus dès le mois de mai. Dans sa précipitation, elle avait même oublié de prévenir la Nantaise d'habitation, propriétaire pourtant de 30% des logements de certains programmes immobiliers.
Le bailleur social a appris le projet de plateforme de traitement des déblais de chantier lors d'une réunion avec le syndic de l'une des résidences, découvrant ainsi que les terrains sur lesquels il espérait bientôt construire de nouveaux logements sociaux seraient inaccessibles pendant 12 ans.
Idem pour le promoteur de la résidence Fusion, actuellement en cours de construction et de commercialisation.
Quant aux habitants actuels, ils avaient déjà dû se résigner à voir le projet initial de parc diminuer comme peau de chagrin, et devraient désormais renoncer au principe de précaution concernant leur santé, au nom d'un " beau projet, circulaire et vertueux" selon les élus et la Samoa, et faire confiance pour la suite à ceux qui leur avaient menti pendant 10 ans.